Saturday, March 14, 2009

Episode 2 - Le systeme de sante


Des serpents et des ailes...

"Mon bon monsieur, l'echographie est categorique, et vous souffrez de calculs dans la vesicule biliaire. Voila donc le numero de telephone du chirurgien qui va se charger de vous arracher tout ca bien vite, hop, et on n'en parle plus."
Aie aie aie... la chirurgie ca fait mal, et il y a toujours des effets secondaires.
"Docteur, n'existe-t-il donc aucune alternative ? Ca me fait mal de devoir me debarrasser de ma vesicule comme ca, j'y tiens; on a fait beaucoup de chemin ensemble apres tout"
"Non, il n'existe pas d'alternative. La vesicule, de toutes les facons, elle sert a rien. C'est un vestige de l'evolution, comme l'appendice"
Tu m'en diras tant.
"Et puis, si on l'enleve, c'est sur qu'il n'y aura jamais de recurrence de ce probleme des calculs"
C'est ca. C'est de la medecine preventive, en quelque sorte. Heureusement que je suis pas venu pour un mal de tete, t'imagines ?...
"Docteur, malgre tout, je crois que je vais aller chercher une seconde opinion."
"Une seconde opinion ? pas de probleme: je vous ai deja donne le numero du chirurgien, demandez-lui donc. Vous pouvez lui faire confiance."

Voila le genre de conversations surreelles que l'on peut avoir dans le cabinet de son generaliste, dans ce pays ou il semble que le systeme de sante soit concu pour maximiser les benefices financiers des medecins plutot que le bien-etre des patients. Lors de mes entretiens d'embauche, on m'avait pourtant bien prevenu (je rappelle que je travaille pour une compagnie qui produit du materiel medical): "ici, on est la pour faire de l'argent". Et moi, je suis venu de toutes facons, avec dans la tete l'idee benoite que la quantite d'argent qui rentre dans les caisses de l'industrie medicale est naturellement correlee a la sante du plus grand nombre. Etre la pour faire de l'argent, dans l'industrie medicale, c'est donc a-peu-pres equivalent a etre la pour le bien de l'humanite. En effet, si tu es chercheur et que tu trouves une therapie miracle, l'humanite entiere t'en saura gre, et du meme coup tu te feras plein de sous, non ?
La correlation existe. Les medecins sont riches, et ils le meritent car ils font des miracles. Quand a nous, nous avons toujours ete tres bien traites, et avec beaucoup de respect. Mais la correlation n'est pas parfaite. Et lorsque le but est la maximisation des gains financiers pour les medecins, il est tres tentant de multiplier les examens et les procedures. Sans compter la pression enorme que subissent les jeunes medecins, commencant leur carriere avec une dette enorme a rembourser - le cout des etudes - et la peur constante d'un proces si une pathologie leur echappe pour n'avoir pas fait tel examen, ou s'ils ne pratiquent pas telle procedure ou n'ordonnent pas tel medicament. Examen ? procedure ? medicament ? evidemment, cela profite aussi a l'industrie medicale, qui est derriere 80% des essais cliniques aux USA. Meme si, in fine, c'est une agence nationale qui decide de l'efficacite desdits examens, procedures, medicaments (la Food and Drug Administration, FDA), certains se demandent qui tient vraiment les renes de la pratique medicale dans ce pays. Quand au patient, il se sent merveilleusement bien pris en charge et se felicite de vivre dans un pays ou la technologie medicale est si avancee, sans se rendre compte que son medecin n'a jamais regarde son echographie ni que sa vesicule l'a quitte sans l'avoir merite.

Parfois, la course a la procedure prend des dimensions ridicules. Par exemple, Nurt, apres sa deuxieme grossesse, souffrait d'une petite hernie qu'il fallut refermer. Nurt se pointa donc pas fraiche un beau matin a 5 heures et a jeun a l'hopital local. Un quart d'heure avant de passer sur le billard, une infimiere lui pose quelques questions de routine, comment ca va, vous etes pas allergique a ceci cela, OK la tension c'est bien, la temperature aussi, et a propos, il se peut que votre chirurien M. Zannetti aie besoin d'un collegue pour l'operation ca vous derange pas ? Ben non, maintenant que je suis la, tout ce que je veux c'est qu'on me recouse. Deux semaines plus tard, Nurt, a part a bien recousue, recoit a la maison une facture de $10.000, a payer a M. Van Zon dont on n'avait jamais entendu parler auparavant et dont il ne nous sera jamais donne de connaitre le visage. "Eh oui," nous confirme la secretaire de M. Zannetti, "vous etiez d'accord pour un chirurgien assistant pendant la procedure". Bien entendu, l'assurance refuse de rembourser: "C'est un classique, les chirurgiens font ca tout le temps; ne payez pas". Vous inquietez pas, on n'avait pas vraiment l'intention de payer....

J'ai deja parle du systeme d'assurances, dont la caracteristique principale est qu'il est si complique qu'en tant que patient, on ne sait jamais vraiment ce qu'on a paye ou pas encore, ou ce qui est une triche deliberee. Maintenant, on se mefie des consultations imaginaires. Et on comprend pourquoi une simple visite chez le medecin generaliste coute $150 ($25 quand l'assurance rembourse): c'est pour payer les trois comptables derriere chaque medecin dans les cabinets. $150, c'est bien trop souvent hors de portee des 40 millions d'americains qui n'ont pas d'assurance sante.

Alors, qui va nous sauver ? La reponse, une fois encore, c'est les gens. Nous faisons suivre nos enfants dans l'"Open Door Medical Center", une institution qui fait payer les patients proportionnellement a leurs revenus et a la presence ou l'absence d'une assurance sante derriere le malade. Derriere les portes de cet etablissement ou la file d'attente est un peu plus longue que les autres et ou il n'y a pas de jouets en bois dans la salle d'attente pour faire patienter les marmots, se cachent des medecins multilingues et multicompetents, en general veterans des Peace Corps. Ils font la pediatrie, la medecine interne, la medecine de famille. La "pediatre" de Guima est une veteran de la guerre civile au Salvador. Aujourd'hui, ce sont les petits patients latinos de Westchester qui lui procurent son adrenaline. Dans ce registre, il y a aussi ce cabinet de medecins dans le Bronx qui offre des "abonnements sante" a prix fixe: $79 par mois, quoi qu'il arrive (une assurance privee coute de l'ordre de $250 par mois). Et il faut ausi compter sur tous ces medecins sont prets a soigner meme si le patient n'est pas solvable, et a pardoner la dette aussitot (quitte a se rembourser sur le dos de l'assurance du patient suivant qui devra payer un petit premium... c'est peut-etre ce qui nous est arrive avec Nurt ?). De fait, il est clairement affiche dans toutes les salles d'attente qu'il est illegal de refuser un traitement pour des raisons financieres.

Enfin. La conclusion de tout ca, c'est qu'il vaut mieux etre riche et en bonne sante que pauvre et malade. Interessant, non ? L'autre soir, j'etais en train de discuter avec le veilleur de nuit au boulot, un gros Nigerian super baraque qui aime bien regarder le basket a la tele. Il m'explique qu'il fait beaucoup de body building. Je lui demande comment il trouve le temps et l'energie de faire du sport, apres une nuit blanche tous les soirs et son deuxieme boulot le matin comme accompagnateur dans un bus scolaire. Il m'explique limpidement qu'il faisait deja beaucoup de sport au Nigeria parce que la bas, il n'y avait aucun acces au soin, et rester en bonne sante etait une question de survie. Et ici ? ben tu vois, c'est un peu pareil....

A bon entendeur,

F

3 comments:

Anonymous said...

Curieux... un post pourtant un brin provocateur... pas de questions ?
F

Anonymous said...

Calmos, calmos; laisse nous lire; et puis écrire.

On en a déjà parlé, mais en ce moment tu vas trop vite pour tes lecteurs.
J'ai déjà qques idées; mais ce soir, c'est trop tard.

DV

Anonymous said...

Calmos, calmos; laisse nous lire; et puis écrire.

On en a déjà parlé, mais en ce moment tu vas trop vite pour tes lecteurs.
J'ai déjà qques idées; mais ce soir, c'est trop tard.

DV