Tuesday, January 19, 2010

A chicken wrap with tortilla chips,

please...
Dans la cafeteria de Philips, le gars qui fabrique les sandwiches est Haitien. PPO quotidien de deux cent employes, tout le monde l'aime pour sa bonne humeur legendaire. Sandwichier le jour, il est coiffeur le soir, travaille 80 heures par semaine et envoie ses dollars au pays.
Il va sans dire que depuis mardi dernier la queue pour les sandwiches s'est allongee considerablement. Tout le monde lui demande des nouvelles de sa famille -qui sont mauvaises- et ca donne des conversations bizarres et desagreables:
"Je voudrais un sandwich au poulet. Comment ca va la famille?"
"Malheureusement j'ai deux cousins qui sont decedes. Moutarde ou mayonnaise?"
"Mayo s'il vous plait... C'est terrible ce tremblement de terre..."
"Oui vous savez, et ma soeur elle a tout perdu. Je vous mets des chips ou des carottes?"
...
Moi ca fait une semaine que je ne mange plus que des salades vertes. J'ai peur de deranger; je n'ose pas l'importuner avec les caprices de mon estomac quand je sais qu'il sait que sa soeur, elle n'a rien a manger... Mais lui reste fidele au poste, toujours aussi rapide et efficace meme si moins souriant, et aux aguets de la moindre vibration de son telephone portable. Depuis une semaine, il ne communique avec Haiti que par textos... d'un autre cote, il est en contact permanent avec les services d'immigration americains pour obtenir un visa pour sa soeur, evidemment. Pragmatique, quand on lui demande ce qu'on peut faire, il repond: Prier. Oui, prier. Et envoyer de l'argent. Optimiste, il constate qu'il y a quelque chose de beau dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre, c'est la reponse mondiale d'envoi de pompiers sur le terrain. Il remarque a mon attention que c'est un bateau francais le premier qui est arrive, et son faible sourire a l'occasion me fait sentir que l'espace d'un instant je suis son meilleur copain, comme si j'y pouvais quelque chose... et enumere les pays qui les aident, la Chine, le Venezuela et les USA travaillant pour une cause commune: un deblai phenomenal.

On a tous vu les images des enfants blesses, des cadavres dans la rue, des bidonvilles rases; l'angoisse et la detresse des survivants, sans eau, sans hygiene, dans ce qui etait deja une des villes les plus pauvres et les plus violentes du monde. Alors, quand le collegue cuisinier de Kenson l'Haitien vient interrompre un employe venu prendre des nouvelles (et un hamburger) avec un commentaire passionne sur le quarterback des San Diego Chargers, non mais il fait n'importe quoi c'est pas comme ca qu'ils vont gagner le Super Bowl (Football americain, ndlr), on se dit que c'est deplace quand meme comme remarque mon bon monsieur. Mais au fond, peut-etre qu'il faut croire que la vie continue?... ou au moins qu'il faut essayer d'echapper a la mort par tous les moyens... ou bien?...

Moi, je continuerai a manger des salades vertes. Prier. Et envoyer de l'argent.

Hasta la vista,

Francois

3 comments:

Anonymous said...

C'est pas drôle, cette histoire.

Toujnours, la perception des grandes catastrophes change lorsqu'elle est fondée sur des exemples vécus, des vrais gens comme on dit à la télé.
En tous cas, il a l'ai fataliste, l'haïtien.
Comme Gabito qui apparemment n'arrive pas à récupérer le camion de son frère.
On va trouver ce commentaire incorrect, mais la vie est une succession de tremblements de terre, vécus par des haïtiens.
Certains sont quand même plus graves que d'autres. DV

Francois said...

Tout cela est bien vrai malheureusement. Et nous, qu'est-ce qu'on peut faire? Prier?
F

Anonymous said...

tu f'rais mieux de manger des sandwichs et de donner un p'tit pour boire si le coeur y est: Fire tourner son business au p'tit m'sieur de philips...
Marie