Pendant que sous d’autres latitudes les gens qui n’avaient rien perdent tout, du coté de Croton on Hudson on continue la collection de cartes de crédit. Et de sept. Je ne m’épancherai pas sur la carte numéro six, une Visa Platinum banale qui nous donne le privilège merveilleux de nous endetter à hauteur de 5000 dollars pour notre bonheur consumériste et le graissage du PIB américain, car je voudrais laisser la scène à la numéro sept. Intéressante mais capricieuse, fascinante et mystérieuse, je l’ai déjà égarée avant même d’avoir compris comment elle marche (acte manque ?). Il s’agit de la carte de notre Flexible Spending Account.
Kèzaco ? Vous savez déjà que le système de santé, et surtout le système d’assurances santé par ici, c’est clair comme l’eau de roche du Colonel Drake. Cependant après presque quatre ans aux USA, il me semblait tristement que plus rien ne pouvait vraiment me surprendre. Alors quand en Novembre dernier il me fut proposé comme à tous les employés à cette époque de modifier notre package assurance santé, j’ai décidé vaillamment de tenter l‘expérience d’y inclure le fameux Flexible Spending Account, just for fun.
Le Flexible Spending Account (FSA, compte pour dépenses flexibles, ce qui ne veut rien dire du tout, ndlr) est une petite boite en carton dans laquelle on peut mettre de coté entre 500 et 5000 dollars par an en prévision des dépenses santé de la famille pour l’année à venir. Cette boite en carton a deux propriétés singulières : 1) son contenu n’est pas imposable (donc il y a intérêt à mettre le plus de sous possibles dedans), 2) elle s’autodétruit à la St Sylvestre avec tout ce qui a le malheur de ne pas avoir été dépensé alors. Les adeptes de théorie des jeux auront tout de suite reconnu un problème d’optimisation à données stochastiques que sont les rhumes des enfants et les chutes de vélo. Le seul théorème prouvable de cette boite en carton est que plus on est malade et plus c’est du bon business, ce qui est un peu derangeant mais surtout follement amusant et donc j’y ai mis $750 cette année pour tenter l’expérience et la raconter sur le blog. Ce n’est pas trop risqué : entre les différents déductibles (somme qu’il faut de toutes façons payer de ta poche avant de commencer à être remboursé, actuellement $500/famille/an) et copays (pourcentage de soins qui n’est pas couvert, de $5 pour une consultation lambda a ~$50-100 pour des tests laboratoires, ou un ultrason, ou une visite chez le dentiste, aïe) , je suis absolument certain que notre package assurance santé va gober cette modique somme sans un rot à l’apéro du petit déjeuner. Je voudrais juste savoir si les ~200$ que cela va me permettre d’économiser en impôts sur le revenu valent la peine du temps et de l’énervement perdus sur la gestion d’un compte en banque supplémentaire. Et c’est mal parti : avant même d’avoir pu activer la carte de crédit associée, je l’ai déjà égarée, cherchée partout pendant une heure, et passé une heure de plus à écrire un blog idiot dessus.
Bref avant même d’en profiter, j’ai mes petits préjugés sur le Flexible Spending Account. Ou au moins, le pressentiment que ce n’est pas pour tout le monde (réservé aux pères de famille normaux dont les enfants se couchent à neuf heures du soir et laissent donc aux porteurs de culotte trois heure d’oisiveté vespertine et quotidienne à consacrer à l’autoarrachage capillaire à l’autel du Crédit).
Vous voilà donc déjà familiers avec certaines des subtilités de notre package santé (copay, deductible, flexible spending account). Laissez moi vous introduire les paramètres manquants avant de passer a la deuxième partie de ce post démoniaque. D’abord, tout cela ne serait jamais possible sans la cotisation mensuelle ($250/famille mais n’oublions pas que Philips paie en plus une grosse part de lion affamé derrière les rideaux, ouf et merci). Aussi, pour contrebalancer l’infâme deductible, il y a aussi un système de plafond : quand on a déjà dépensé $7500 en santé pour la famille, l’assurance commence à tout rembourser a 100% et jusqu'à la fin de l’année. Puis il y a certains bénéfices de santé préventive. Par exemple, nos cotisations nous donnent accès 24/7 a une hotline-infirmières, ce n’est pas ce que vous pensez mais un numéro de téléphone gratuit pour joindre d’aimables professionnels de la santé à toute heure du jour et de la nuit, qui répondront à quelque question que ce soit (et qui termineront invariablement par vous conseiller d’aller aux urgences, pas envie non plus que vous leur colliez un procès sur le dos en cas d’erreur). On a aussi le droit à une visite médicale-checkup général gratuit par an (qui diagnostique des tumeurs du sein a 30 ans qu’il faut absolument chimiothéraper car il y a 10% de chances qu’elles soient malignes, les USA aussi ont leur drame des falsos positivos). Enfin, il y a tout un système parallèle pour l’achat de médicaments, qui coutent moins ou plus cher selon que l’on participe ou non d’un programme d’inspiration Orwellienne de « gestion de la santé », avec les médecins de la compagnie d’assurance dans le rôle de Big Brother.
Vous savez sans doute que tout cela coute cher au pays, d’où un travail tenace de la part de nos législateurs sous le fouet acharné d’Obama depuis un an pour réformer tout cela, sans le succès escompté malheureusement : ça traine, le public perd la passion et donc cesse de supporter l’idée, et de toutes façons la diabolique car socialiste « option publique » qui donnait tout son piquant a cette réforme est morte et enterrée. Mais surtout, tout cela coute extrêmement cher aux employeurs, au point qu’il a été dit de General Motors par exemple que la compagnie « is a giant health-insurance provider… that also happens to make cars ». Et oui, ceci explique cela, du moins en partie : 6 milliards de dollars par an à supporter la santé des employés Nord-Américains, c’est 6 milliards de dollars en moins pour développer le moteur électrique du futur. Ca n’a rien à voir mais pour creer une perspective, 6 milliards de dollars c’était aussi le PIB d’Haiti avant le tremblement de terre.
Alors, la semaine dernière, Philips a demandé à tous ses employés de s’il vous plait compléter le questionnaire en ligne sur les bénéfices santé offerts par la compagnie. Il s’agissait d’une suite de questions sur tes préférences sur divers compromis dans ton package-santé, par exemple : « préférez vous qu’on augmente vos cotisations de 20%, qu’on augmente la capacité maximum du FSA de 50%, et que la hotline-infirmières ait aussi une version internet, ou que l’on baisse votre deductible de 20%, qu’on augmente votre plafond de 30%, et que vous payiez 50% du cout de vos visites médicales si vous ne faites pas partie d’un programme de gestion de la santé ? ». Bien entendu j’ai vite bâclé tout ce non-sens pour retourner au plus vite à mes confortables calculs de fonctions de Green via le théorème des résidus. Mais je ne peux pas m’empêcher de sourire en pensant à l’approche Philips d’anticipation de serrage de ceinture : au lieu d’augmenter brutalement et simplement les cotisations santé des employés (-> grève), ils demandent à une entreprise de consulting spécialisée de mettre au point un questionnaire interactif et dépouiller les résultats de 25000 personnes… avant, sans nul doute, d’augmenter brutalement et simplement les cotisations santé des employés (-> vous pourriez pas dire que vous n’aviez rien vu venir). Entre le cout de la grève et le cout du consulting spécialisé, il y a certainement un autre problème follement amusant de théorie des jeux a optimiser… Mais je passe pour aujourd’hui car il est tard, la page et dense, et de toutes façons la boite de consulting a déjà trouvé la solution ….
Bisous les copains, bonne digestion, et bonne santé!
F& Flia
Thursday, January 28, 2010
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2 comments:
OK c'est ennuyeux ces histoires d'assurances sante... mais ici c'est la une des journaux tous les jours depuis un an! Alors, c'est votre petite saveur d'Amerique. Enjoy qui pourra!
Francois
Et bien moi j'ai enjoyé!!!
à cela faisait longtemps que je n'écrivais pas un commentaire...
Alors il va falloir rattraper ce temps perdu ;-)
1bacin du Clos
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