Hello les copains comment va la vie ? Laissez-moi vous raconter mon samedi apres-midi....
Notre copain Francois, quittant definitivement les USA apres un essai pas tres concluant, n'eut pas le temps de se defaire de sa voiture avant de s'empresser de reprendre l'avion pour son doux pays. Nous voila donc investis de la mission de vendre la bete, ce qui promettait d'etre l'operation la plus simple du monde: Francois s'etant deja entendu avec le dealer d'autos qui lui avait vendu cette voiture il y a moins d'un an, celui-ci allait la lui reprendre pour une somme modique pour un monospace Chrysler en parfait etat de marche (200000 kms au compteur mais l'air conditionne, l'autoradio et ouverture automatique motorisee (!) de toutes les portes.... l'affaire du siecle; si le moteur te lache sur l'autoroute ou la direction au tournant, pas de probleme tu as l'air conditionne pour attendre les secours). Ma seule et simple mission fut donc d'aller trouver ce dealer dans le Bronx, a deux pas du zoo et du jardin botanique de New York, pour lui rendre son petit joujou. Pourquoi dans le Bronx ? Croyez-le ou non mais ce dealer Dominicain du Bronx me reprenait la voiture pour 150% du prix que me proposaient les peu aimables dealers Americains de l'upper-class Westchester. Par ici il y a une expression qui ressemble a "mentir comme un arracheur de dents", qui dit : "honnete comme un dealer de voitures"... apres quelques coups de fils a cette gent la, j'ai appris d'ou ca vient...
Notre petite affaire se passa comme sur des roulettes a air conditionne et sans plus d'anicroche qu'un ou deux froncements de sourcils du dealer sur le manque d'huile du moteur a ouvrir automatiquement les portes glissantes... mais il a suffi de commencer a parler un peu espagnol pour que ses deux acolytes interrompent brusquement le suivi attentif d'un pourtant passionant match de base-ball a la tele pour discuter avec moi de la culture francaise, la bouffe, l'echographie du cerveau, mon salaire horaire, le football et les belles femmes de Paris. Bref c'est bien obligeamment qu'ils m'acheterent la grosse titine et indiquerent au desormais pieton que j'etais la station de metro la plus proche....
Et c'est a partir de cet instant que, bien qu'il fusse deja l'heure de la sieste bien sonnee, mes yeux s'ouvrirent sur un paysage oublie... chaque viree a la Grande Ville me fait le meme coup (en plus fatigant d'habitude parce que en general c'est avec les enfants), mais la c'etait la premiere fois que je decouvrais un autre borough que Manhattan. La station de metro s'appelait "Gun Hill", ce qui me tenta momentanement de marcher prendre mon train a la station suivante... mais c'etait un Bronx aux rues plutot tranquilles, et meme pavillonaires - mais avec des verandas completement grillagees, comme en Argentine les commerces apres la crise de 2002, rien a voir en tous cas avec Croton-on-Hudson et ses poussettes et velos negligemment laisses sur le pas des portes. On croise, c'est samedi, quelques barbecues improvises sur le trottoir, chaises pliables autour du coffre de la voiture... j'ai meme eu la chance d'entendre un vieux classique, Bob Marley Get up Stand up a plein volume ca m'a rappele ma jeunesse, dans une petite fete de quartier, chicken wings basketball et des enfants tout noirs courant de tous cotes sur le playground d'asphalte chauffe a bloc aux 15 heures du 15 aout.
Bref, arrive dans le metro de ce samedi apres-midi ordinaire qui devait me connecter a mon train de banlieue, il m'est donne de rencontrer de ce quartier ordinaire les habitants peu ordinaires ... Une grosse, vieille dame, casquette a l'envers, qui rappe sur le quai au son d'une musique inaudible... Trois minettes, pantalon baggy et casquette a l'envers, se disputant a grands cris un briquet pour leur unique cigarette. Une obese a talons hauts et T-shirt tete de mort. Un skater avec un blackberry. Un mec cool qui exhibe sa collection de pin's sur son chapeau dogon. Un bebe de 6 mois avec le crane rase a l'exception d'une longue meche fixee a plat au front avec de la gomina. Un autre couple, pantalon baggy et casquette a l'envers (decidement le dress code dans le Bronx c'est aussi strict que dans les conferences de neurosonologie... on se prend vite pour un moine a poil avec ses chaussures de runningue et son T-shirt taille M), avec un bebe de toutes les couleurs - noir avec des taches albinos sur les membres, superbe. Un pere de famille de 2 metres 15, pantalon baggy et casquette de travers, trois enfants autour des genoux et la petite derniere sur les epaules qui joue avec sa casquette. Bref ce que j'ai surtout retenu de ce trajet de metro qui m'emmenait du nord de New York vers le un peu moins nord de New York (de la 240eme a la 125eme rue), c'est que 1) ca prend aussi longtemps pour les gens du Bronx d'aller a Uptown en metro que pour les ceuxsses de Westchester (50 km plus au nord) de rallier Downtown en train de banlieue, sauf qu'ici, pas d'air conditionne et beaucoup plus de monde; 2) en 45 minutes de trajet environ, je n'ai pas vu un blanc dans ma rame de metro - a l'exception d'un latino endormi et d'un bebe albinos.
Pour le train de banlieue, il faut descendre a la station "Harlem - 125 eme rue". En debouchant des escaliers, on se retrouve au coin de Martin Luther King Boulevard et Malcom X Avenue (sic). Dans cette immense artere commercante qu'empruntent en semaine tous les cols blancs qui commutent des metros d'uptown vers leur banlieue, il y a un bon vieil air de Barbes - Rochechouart, en plus champetre. Dans la rue, plein de monde, et plein de commerce informel. Du mais grille, du beurre de karite, des coiffeuses a tresses fantaisie, des DVDs de kung-fu, des livres qui t'expliquent comment sauver ton ame, d'autres qui t'expliquent comment renaitre, l'auteur a ta disposition pour te les dedicacer, des enfants qui courent et des enfants qui mangent des glaces et des enfants qui font du velo le long du square Marcus Garvey, la biographie d'Elijah Mohammed en cinq volumes, et des piles et des piles de T-shirts Obama qui te regardent dans les yeux en te rappelant que Oui Nous Pouvons...
La station a trains de banlieue est vite arrivee... de la, plus qu'un billet a 10 dollars et tu as le droit a 45 minutes de soleil de l'apres-midi sur la mighty Hudson depuis ton siege molletonne, entoure de filles a magazines, de djeun's a iPod, de moins jeunes a laptops. Bref, le retour en terrain connu. Dans moins d'une heure, je suis au parc dans ma suburb avec Nurt et les enfants a jouer a ramasser des cailloux et les jeter dans la riviere...
Ca fait du bien de sortir de chez soi de temps en temps pour voir les vraies couleurs de la vraie vie - ne serait-ce que deux ou trois heures par an, et encore seulement pour rentrer chez soi bien vite d'un endroit ou l'on n'avait pas demande a aterrir en premier lieu. Mais finalement, le Bronx, Harlem, c'est un peu comme Paris : c'est sympa d'y passer en touriste mais je n'aimerais plus y habiter.
Et notre petit Croton, c'est vraiment un monde a part...
Bisous,
Francois
7 comments:
merci François de nous faire partager tes aventures !
c'est passionnant à lire.
spin again
tu vas publier au routard ? c'est valable comme reportage. V.
c est tellemnt vrai... sympa d y passer mais impossible d y vivre... il y a pas mal d endroit pour lequel je me dis ca (genre le marche de bobigny le dimanche..)
Merci de ce vivid récit.
Espérons que vous irez souvent rendre visite à la Grosse Pomme.
Alors Franzouil, on vire bobo?
;-)
Eric
Bo
et ben, papa disait ce matin même que t'avais un certain talent pour l'écriture et on peut dire qu'il a pas tout à faire tort. Et pour l'observation aussi alors...
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