Saturday, September 06, 2008

5K2M



Vous n'avez pas compris le titre ? Haha, on voit que vous n'avez pas grandi dans une suburb a runners. 5K2M ca veut dire que samedi c'est fete foraine dans votre ville et que le matin les riverains ont le choix entre courir 5 kilometres ou marcher 2 miles autour de Main Street et Broadway , il y aura des medailles en plastique pour tout le monde et des bananes a l'arrivee, le tout pour une somme modique, une bonne cause et un petit T-shirt souvenir dans la limite des stocks disponibles.
Comme samedi dernier ca se passait a Ossining la ville voisine et que la bonne cause c'etait le district scolaire d'Ossining et ses 40% de latinos, nous decidames d'un seul chef que nous avions besoin de nouveaux T-shirts et nous inscrivimes a un evenement chacun: Francois aux 5 kilometres, confiant dans le lunchtime soccer pour le peps et dans le nighttime eyeopener pour la resistance que necessitent une telle distance; et Nurt, aussi courageuse que pretentieuse, aux 2 miles qu'elle savait devoir affronter avec Guima dans la poussette tout terrain et Gabito dans le sac a dos de rando.
Les choses, vues de loin, s'annoncaient tres simples. Il s'agissait de courir sur le trace de l'ancien aqueduct qui reliait l'eau potable de Croton a la Grosse Pomme au 19eme siecle, ce serait donc plat. On avait teste les deux miles avec les enfants le week-end precedent, ca s'etait passe sans trop de sueur ni d'engueulades. Le beau temps doux s'etait installe sur notre beaunlieue depuis une bonne semaine et une gentille brise continue commencait a faire voltiger les premieres feuilles orangees. C'est donc confiants que le jour J nous nous pointames sur la ligne de depart comme une grande famille unie (ou presque: Francois, flambeur et cherchant la photo-start pour le blog, se faufila au premier rang pendant que Nurt, fuyant les paparazzi et flanquee d'un bon metre cube de bebes leurs contenants encombrants pour jouer des coudes, resta en queue de peloton). Vues de pres, les choses etaient deja beaucoup plus compliquees: ce fameux samedi nous gratifiait d'une de ces matinees a vapeur, 30 degres 99% d'humidite, qu'on esperait pourtant avoir laissees derriere nous avec Labor Day. Il s'agissait en fait de l'escorte climatique de l'orage tropical Hannah qui devait frapper en grand plus tard dans la journee (eh oui, a New York on recoit les orages tropicaux, c'est ca aussi le fabuleux melting-pot de cette cote de l'immigration). De plus, Francois, arrive au premier rang et jaugeant les concurrents du jour, se trouva cote a cote avec un marocain du genre p'tit-plein-d'muscles et aux chaussures toutes neuves dont le sourire en coin laissait peu de doutes sur le peu de doutes qu'il entretenait a propos d'une concurrence de fouteux d'entre midi et deux. Heureusement, la fanfare de la high school, jouant "we will rock you" avec toute la conviction que lui permettait la demi-repetition qu'elle avait eu le temps de mette sur pied en ce debut d'annee scolaire, eut quand meme le merite de detendre l'atmosphere en attirant les day workers latinos de Ossining qui etaient en train d'attendre le travail une paire de parkings plus loin: une foule de fans instantanes qui ne se doutaient sans doute pas que c'etait un peu pour leurs enfants que ces messieurs-dames en Ascics Gel et T-shirts antitranspirants etaient en train de s'etirer la-haut sur l'aqueduct.
Le depart fut donne, la course fut courue, la marche fut marchee et je peux vous dire que je n'ai jamais vu un aqueduct presenter autant de denivelee. Visiblement, les New-Yorkais ont significativement revise le design original des romains et leur pente a 0.3%, sans doute pour des raisons de propriete inellectuelle, NDA... Il y a meme des escaliers par endroits ! Aussi, que le "Old Croton Aqueduct" porte bien son prime adjectif, il est tellement vieux que la nature a repris ses droits dessus ce qui inclut les arbres et leurs racines, les branches et leurs noix, la terre et sa boue, l'herbe haute qui coupe les jambes dans tous les sens du terme, et une sympathique population indigene d'oies sauvages et de glouglous qui aiment a flaner en famille les samedi matin de fin d'ete. Bref si moi je me suis bien amuse je pense que Nurt n'a jamais autant rigole avec sa poussette et son gros sac.
Resume des courses, je suis parti a fond les ballons de foot trop gonfles pour me rendre compte que j'etais en tete au bout de 500 metres. Realisant l'aubaine qui m'etait donnee de regler l'allure du peloton, je ralentis un peu histoire de pas trop fatiguer tout le monde tout de meme, ho, il reste quatre kilometres et demi. C'est la que tous les jeunes, beaux, grands, maigres, et irrespectueux de la vieille generation, membres du high school cross-country club commencerent a me passer devant. Cela continua jusqu'a ces deux petits jeunots d'environ 14 ans qui me firent decider que ca commencait a bien faire, la, et que je pouvais bien courir aussi vite qu'eux ils vont voir ceux-la. Les muscles gonfles d'orgueil tels la grenouille qui aurait vu la vache Milka, j'accelerai un tantinet pour les laisser derriere puis, sur la fin, un de leurs collegues qui etait en train de souffrir du climat tropical. Tout cela me laissa bien essoufle et transpireux profiter d'une jolie vue du podium en contre-plongee.
Pendant ce temps, Nurt et ses deux meilleurs enfants poursuivaient vaille que vaille leur petit bonhomme de chemin, escaliers par-ci, racines par la, coinces derriere une bruyante equipe locale de soccer feminin en train d'organiser une operation escargot. Gabito dans le sac a dos, fermement accroche a la criniere de sa monture, et Guima plus avachi dans sa poussette qu'un fouteux sur le declin apres 5 kilometres a fond dans une humidite amazonienne. Le comble fut, a l'arrivee, que le petit ruban commemoratif de participation honorable a l'evenement, ce fut a Guima qu'on le donna a grandes exclamations de "good job good job!" et pas a la Maman qui avait fait tout l'effort; c'est comme pour les montees de l'Everest, on se souvient des Knights Britanniques mais qui se rappelle du nom de leurs sherpas ?
Un peu plus tard, quand nos muscles endoloris nous permirent enfin de nous trainer en bas de l'aqueduct pour rejoindre les stands a bananes gratuites reservees aux participants, nous eumes l'occasion de faire la connaissance du petit marocain de la ligne de depart. Il ne s'agissait moins que de Khalid Khannouchi, double recordman du monde du marathon, et qui habite a Ossining avec femme et enfants... La course etait tellement difficile, chaude et humide ce jour-la qu'il avait prefere rester au frais a cote du stand de Gatorade a dedicacer des T-shirts...
C'est alors que la seconde epreuve du biathlon commencait: il etait 10 heures du matin, il restait douze heures de jour d'orage a s'occuper de deux enfants frais et dispos apres une promenade au grand air en caleche, entre deux parents extenues par un double effort masochiste. Je m'abstiendrai de ce recit pour essayer de rester fidele le plus longtemps possible a ma resolution de tantot qui etait de ne plus me plaindre autant, au moins sur le blog. Et puis, tout bien pese... il est 10 heures du matin, on a tout donne dans une marche/course a pied... inevitablement, une impression d'avoir deja gagne la journee nous accompagne, il peut bien se passer n'importe quoi maintenant. Le deluge Hannah peut eclater.

Bisous,
Francois & Cie

6 comments:

Anonymous said...

Coucou,
Au moins tu ne te plains plus du manques de lecteurs. Dans tous les cas un joli :-) s'est esquissé tout le long de la lecture de ce post. Parce que tu nous fais vivre de chouettes moments ou je visualise la scène. Ton écriture est fluide et haletante. Tu as vu... après une semaine de travail d'écriture obligatoire ou on devait commenter l'écriture des collègues, je deviens une experte ;-)
Ici je sais que certaines popayanistas ont couru la fameuse 'parisienne'... Je saurais lundi comment cela a été pour elle.
Sur ce c'est dodo time pour moi
1bacin da Parigi

Anonymous said...

Tenzing Norgay !

Eric

Anonymous said...

On dirait du Achille Talon ! c'est génial, joyeuserie pas morte ! V.

Anonymous said...

Tu devrais traduire en Anglais et envoyer au journal local. Et si pas le temps ni le vocabulaire, trouver un(e) traducteur. Ou bien en Espagnol, mais je ne sais pas si l'Espagnol se prête à l'humour distancié. Le Russe pas du tout par exemple, mais l'Espagnol, je ne sais pas. Je suis sérieuse. La photo de départ est magnifique. Vive la vie, bravo à Nurt qui apprend la vignonnerie... V.

Anonymous said...

on dirait du Jacques Perret... Tu connais ? un des meilleurs écrivains ever, s'il écrivait maintenant, ce serait Greg . love à tous, bravo au trio mangaesques... V.

Anonymous said...

Tous les ingrédients de la meilleure nouvelle : une histoire; du suspense; un happy end.
Et une ouverture sur la suite.
Du style, de l'émotion, c'est ce qu'on aime.

(Pour le Happy End : je suis sûr que tout le monde est arrivé, mais le classement m'échappe; et j'ai l'impression que GuiMa n'a pas fait de gros efforts, et qu'il gardait ses forces pour le "après 10h" (du matin)).

Merci de ce post qui restera dans les annales, et à la prochaine 5K2M (ou 10K4M ?).